
Le nouveau code pénal va ancrer les principes de confiance et de sécurité juridique
Le nouveau Code pénal, actuellement en discussion, entend consacrer ce double principe qui sera fort utile aux citoyens poursuivis pour des délits fiscaux, environnementaux, économiques ou financiers.
La Cour européenne des droits de l’homme et la Cour de justice de l’Union européenne rappellent régulièrement que tant les institutions européennes que les autorités nationales doivent respecter vis-à-vis des citoyens les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime.
Ces deux principes impliquent que si des actes des autorités publiques qui s’avèrent ultérieurement irréguliers ont créé dans l’esprit d’un citoyen normalement prudent et avisé, une confiance légitime dans ce qu’il pensait pouvoir valablement faire, l’autorité publique ne peut ensuite mettre rétroactivement en question cette situation, mais doit honorer les attentes que son comportement a fait naître chez ce citoyen.
La Cour de cassation a ainsi décidé que « le droit à la sécurité juridique implique notamment que le citoyen doit pouvoir faire confiance à ce qu’il ne peut concevoir autrement que comme étant une règle fixe de conduite et d’administration; qu’il s’ensuit qu’en principe, les services publics sont tenus d’honorer les prévisions justifiées qu’ils ont fait naître dans le chef du citoyen« .
Ainsi, en 2018, la Cour d’appel de Gand a reconnu à une entreprise le droit de bénéficier d’une situation en matière de TVA que l’Administration avait admise durant plusieurs années, mais qui s’avérait illégale. La Cour d’appel fit ainsi prévaloir ce double principe de confiance et de sécurité juridique du citoyen sur celui de la légalité.
Précédemment, en 2016, la Cour de cassation avait déjà statué dans le même sens en faveur d’une commune à laquelle le fisc reprochait d’avoir indûment déduit des montants de TVA, ce que celle-ci contestait en faisant valoir une ancienne décision administrative qui validait ce qu’elle faisait. La Cour de cassation considéra effectivement qu’en dépit de son illégalité, cette décision administrative avait pu faire naître dans le chef de cette commune la confiance légitime qu’elle avait droit à la déduction de la TVA.
Un toilettage de l’article 70
Le nouveau Code pénal, actuellement en discussion au sein du Parlement et qui devrait être normalement adopté après la rentrée, entend consacrer ce double principe en faisant le toilettage d’une disposition légale déjà existante, l’article 70 du Code pénal, mais dont la formulation mérite effectivement d’être améliorée pour en assurer la pleine portée.
L’article 70 de l’actuel Code pénal figure sous le chapitre consacré aux causes d’excuse et de justification, et énonce qu' »il n’y a pas d’infraction lorsque le fait était ordonné par la loi et commandé par l’autorité. » En clair, celui qui a agi comme l’autorisait la loi et comme le permettait l’autorité, ne peut voir sa responsabilité pénale recherchée par les autorités policières et judiciaires.
Les deux cas de figure scindés
Le nouveau Code pénal modernise opportunément cette disposition légale en scindant désormais les deux cas de figure qu’elle vise, à savoir que seule la conformité de l’acte à la loi ou sa seule conformité à ce qu’admet l’autorité, suffira dorénavant à exonérer la responsabilité pénale du citoyen, mettant ainsi fin à la controverse de savoir s’il faut que les deux situations soient rencontrées cumulativement. « L’ordre ou l’autorisation de la loi et l’ordre de l’autorité constituent deux causes de justification distinctes », souligne l’exposé des motifs du nouveau Code pénal.
Cette adaptation vient ainsi ancrer opportunément dans la sphère pénale les deux principes susmentionnés de sécurité juridique et de confiance légitime, puisque dès que l’acte sera conforme à ce que l’autorité admettait, le citoyen qui s’y était conformé de bonne foi bénéficiera de cette cause d’exonération de sa responsabilité pénale, quand bien même l’acte n’était pas conforme à la loi pénale.
Ce sera d’un grand secours pour la défense des citoyens poursuivis pour des délits fiscaux, environnementaux, économiques ou financiers, dans lesquels, bien souvent, on s’aperçoit que l’autorité savait, mais n’avait pas attiré l’attention du citoyen sur l’éventuelle illégalité du comportement qu’il adoptait, voire même avait validé son comportement, fut-ce tacitement, en confortant ainsi ce citoyen dans la croyance légitime de la conformité de son action.
François Koning
Avocat chez Janson, spécialisé en droit pénal de l’entreprise